Une seule urgence : la restauration de la foi
De notre place de laà¯cs, nous assurons le successeur de Pierre de nos prières pour lui et à ses intentions, le suppliant de nous conforter sans cesse dans la foi.
« Que demandez-vous à l’Église de Dieu ? – La foi. Que vous donne la foi ? – La vie éternelle. » (Rituel du baptême). Comment se transmet la foi ? La foi vient de ce qui est entendu : Fides ex auditu (Rm 10, 17). Quelle est la loi de la foi ? La loi de la prière est la loi de la foi : Lex orandi, lex credendi.
À son entrée dans l’Église, le nouveau chrétien demande que lui soit infusée la vertu théologale de foi, sans laquelle il est impossible d’être sauvé. « Qui croira et sera baptisé sera sauvé. Qui ne croira pas sera condamné. » (Mc 16, 16). La foi est essentiellement la croyance en la divinité du Christ, enseignée par l’Église et portée par la liturgie qui en est l’expression la plus pure car patinée par les ans et transmise par la Tradition. Tradere signifie transmettre en latin.
Le « pape écartelé » que fut Paul VI avait présidé aux épousailles stériles de l’Église et du monde. L’heure était alors au culte de l’homme, à la sécularisation, à l’enfouissement, à la négation pratique du péché originel mais aussi de la grâce.
Jean-Paul II, l’athlète de Dieu, rendit à l’Église sa visibilité sociale et sa fierté : « N’ayez pas peur ! »
Benoît XVI s’est efforcé, par l’enseignement et par l’exemple, de recentrer l’Église sur l’essentiel de sa mission : prêcher, à temps et à contretemps, Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié, anticiper dès ici-bas la participation aux louanges célestes en l’honneur de l’Agneau immolé, qui seront notre vie dans l’Au-delà, par une liturgie terrestre resacralisée et christocentrée.
Le Motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007 libérant la célébration de la messe traditionnelle, les discussions avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, deux encycliques sur les vertus théologales, l’instauration d’une Année de la Foi, ont été quelques-unes des étapes de cet effort de restauration. Compte-tenu de son histoire et de la situation de l’Église, Benoît XVI pouvait-il faire davantage pour rendre toute sa place ecclésiale à la tradition liturgique et doctrinale de l’Église ? Sans doute pas.
La renonciation de ce pape, au bon et doux sourire, à l’intelligence vive, à la foi profonde et à l’humilité sincère, a plongé beaucoup de fidèles dans la consternation. Certains ont relu, les larmes aux yeux, la scène terrible du roman, à bien des égards prophétique, de Michael O’Brien, Père Elijah, une apocalypse, dans laquelle un cardinal félon, Vettore, exige, avant de le frapper, la démission du souverain pontife opposé aux projets de religion universelle, gage prétendu de paix, voulus par « le Président » (Salvator, pp. 492–505).
L’insistance de Benoît XVI à rappeler « l’obéissance inconditionnelle » due à son successeur semble bien manifester qu’il estime ne pas avoir obtenu lui-même cette obéissance de la part de tous les membres du collège cardinalice.
Le pape François est dès maintenant confronté à l’extérieur aux défis d’un Islam planétaire et conquérant, et à la sécularisation accélérée, libertaire, hédoniste et antichrétienne des sociétés occidentales. En interne, l’Église s’étiole et se meurt, la nécessaire unité de foi étant remise en cause par un pluralisme doctrinal, disciplinaire et liturgique souvent proche de l’hérésie, voire carrément hérétique.
Benoît XVI prêchait par la parole et par l’exemple, en particulier dans le domaine liturgique. Cependant, il semble ne pas avoir pu sanctionner, que ce soit les 300 prêt res autrichiens partisans du mariage des prêtres et de l’ordination des femmes ou les acteurs de liturgies d’autocélébration de la communauté, telle la messe pour les jeunes célébrée par le cardinal archevêque de Vienne, Christoph Schönborn, le 16 novembre 2008 à Wolfsthal en Basse-Autriche.
L’évangélisation qu’appelle de ses vœux le nouveau pape ne pourra se passer, pour être couronnée de succès, du retour à l’unité de la foi, qui exige des mesures de gouvernement certainement douloureuses. À terme, tant de conceptions différentes de l’Église, de la foi, du prêtre, de la morale, etc. ne peuvent cohabiter dans la même structure normalement hiérarchique, sous le même vocable et la même autorité.
Il n’est un secret pour personne que le pape François est, au minimum, tout à fait étranger aux préoccupations liturgiques et sacrales des adeptes de la forme extraordinaire du rite romain. C’est donc à la fécondité apostolique et vocationnelle de l’« usus antiquior » qu’il faudra, logiquement, faire appel pour élargir le champ d’application du Motu proprio Summorum Pontificum qui nous tient tant à cœur, convaincus que nous sommes, avec Joseph Ratzinger, que « c’est dans la manière de traiter la liturgie que se décide le sort de la Foi et de l’Église ».
De notre place de laïcs, nous assurons le successeur de Pierre de nos prières pour lui et à ses intentions, le suppliant de nous conforter sans cesse dans la foi. Cette foi, nous l’avons reçue de Dieu et nous devrons Lui rendre compte de notre manière de l’avoir vécue, et non seulement gardée, la foi ne se gardant pas comme l’avare « garde » son trésor, mais devant être transmise intacte à nos enfants et à nos frères. « Le juste vivra de la foi », rappelle saint Paul en citant le prophète Habaquq (Rm 1, 17 ; Ha 2, 4).
L’œuvre de restauration de la foi aura ensuite comme conséquences naturelles, et surnaturelles, des applications politiques et sociales. Le triste constat s’impose que la connaissance complète de la loi naturelle est difficile sans l’éclairage de la foi et que la vie en conformité avec le Décalogue est quasiment impossible sans l’aide de la grâce dont le canal habituel est constitué par les sacrements.
Dans nos combats, ô combien nécessaires, pour la défense de l’ordre voulu par Dieu au sein de la société, nous savons pouvoir bénéficier des encouragements du Saint Père, qui n’hésitait pas à déclarer au sujet d’un projet de loi autorisant la dénaturation du mariage en Argentine : « Ne soyons pas naïfs, il ne s’agit pas d’un simple combat politique, c’est le projet de détruire le plan de Dieu. Il ne s’agit pas d’un simple texte législatif – celui-ci est seulement un instrument – mais une manœuvre du père du mensonge qui prétend embrouiller et tromper les enfants de Dieu. »
Pour Dieu, pour l’Église et pour la France, le combat continue.
Jean-Pierre Maugendre
• On lira avec profit Le Christianisme va-t-il disparaître ?, Actes de l’université d’été 2001.